DMLA : ne vaut-il pas mieux savoir ?

Un dépistage précoce permet de ralentir cette dégénérescence de la rétine.

Baisse de l'acuité, diminution des contrastes notamment pour la lecture, déformation des lignes ou tache sombre au centre du champ visuel… Et si vous souffriez, comme 1,5 million de Français, de dégénérescence maculaire liée à l'âge, maladie plus connue sous l'acronyme DMLA. Pathologie de la région centrale de la rétine appelée la macula, elle est la première cause de cécité dans les pays occidentaux. C'est surtout une maladie multifactorielle dont le principal facteur de risque est l'âge. "La DMLA qui débute par une phase le plus souvent sans signe clinique, touche quasiment 20% des patients âgés de plus de 70 ans, explique le Dr Sébastien Guigou, rétinologue à Aix-en-Provence. Mais d'autres facteurs environnementaux sont aussi impliqués dans son développement et sa progression. On y retrouve le tabagisme (risque multiplié par 4 à 5) et le mode de vie occidentale avec une alimentation riche en acide gras saturé.

"Une équilibration du régime alimentaire avec des compléments nutritionnels pour les stades précoces permet la réduction de la progression de la maladie ", précise le spécialiste. Il existe classiquement deux types de DMLA : la forme atrophique (ou DMLA sèche) qui évolue lentement et la forme exsudative (ou DMLA néovasculaire ou humide). Ces 2 formes cliniques coexistent en engendrant une perte rapide de l'acuité visuelle ou des déformations de l'image qui peuvent être irréversibles. Mais l'efficacité des soins actuels permet de stabiliser le nombre de malades et dépend essentiellement de la précocité et de la régularité de leur administration. D'où l'importance d'un diagnostic rapide. "Pour mettre les meilleures chances de son côté, il est primordial de déceler la maladie dès qu'elle a atteint le premier oeil," reprend le Dr Guigou. Il existe un test très simple, il suffit de cacher alternativement un oeil puis l'autre pour repérer un défaut. Fixer ses mots croisés ou les joints du carrelage est également un bon exercice. "Cependant, déplore-t-il, certains passent encore entre les mailles du filet et cette période de confinement n'a pas joué en leur faveur. Et les journées nationales de dépistage de la macula, prévues initialement en juin, ont été reportées." Pour prendre en charge de manière optimale cette maladie, une "filière DMLA" d'urgence s'organise dans les centres spécialisés. Car, "quand il y a une poussée il faut intervenir vite. Si possible dans la semaine", précise le Dr Guigou.

Une nouvelle molécule attendue

En termes de traitement, la recherche a été très active. Les thérapeutiques actuelles reposent principalement sur des injections intraoculaires qui nécessitent un suivi et des injections au long cours. "Nous bénéficions de deux molécules qui s'administrent par injection. Avec, en moyenne, 7 injections la première année, c'est une course de fond. Mais, l'apparition de ces nouveaux médicaments a eu un impact majeur. Ils ont permis aux patients de conserver leur autonomie avec une diminution du taux de cécité par deux."

D'autres possibilités existent comme un implant artificiel qui permet de grossir l'image tel un télescope miniature ou, dans les phases évoluées, la mise en place de séances de rééducation basse vision. Enfin, un nouveau traitement par injection devrait arriver sur le marché prochainement. Une sortie repoussée en raison de la crise sanitaire, cette nouvelle molécule est attendue avec impatience. Le traitement aurait une durée d'action beaucoup plus longue entre chaque injection.

Une application pour alerter les médecins

Mais la grande nouveauté de ces derniers mois est l'application "Odysight" conçue avec des médecins qui permet de suivre de manière ludique l'évolution de la maladie. Concrètement, cela prend la forme d'un jeu, une sorte de puzzle, sur mobile ou tablette. Pour acquérir des points, il faut participer à un test visuel. Et si l'application détecte une baisse d'acuité visuelle, une alerte est envoyée à l'ophtalmologue et au patient pour convenir d'un rendez-vous rapide.

Dubitatif au départ sur l'intérêt du jeu, Sébastien Guigou est revenu sur son sentiment initial. Avec les médecins rétinologues du centre, il a même décidé de lancer une étude incluant 60 patients. Les résultats "en cours de publication" seraient prometteurs. "L'application délivrée uniquement sur prescription médicale, obtient un taux satisfaisant de détection avec une sensibilité de 87% et une spécificité de 98%, indique-t-il. Dans 90% des alertes reçues, nous avons pu recevoir en moins d'une semaine les patients concernés. De même, l'isolement des patients et l'accès quasi impossible aux cabinets médicaux pendant l'épidémie de COVID-19 a révélé l'intérêt de la surveillance à domicile. Enfin, le vécu des patients est très positif pour ce service personnalisé". Un vrai tournant pour l'ophtalmologie. Certaines sources évoquent des discussions pour un éventuel remboursement par l'Assurance maladie. "Ce qui permettrait de surveiller beaucoup plus de patients atteints de DMLA".

© La Provence - 08/06/2020